Grains de poivre

En montant un sommet en hiver, j’avais les skis sur le sac et le visage proche de la pente. Mon regard fut attiré par un amas, proche de grains de poivre. Mais c’était de minuscules animaux, genre insecte. Je les avais déjà vu, pas souvent, mais cette fois-ci, je creuse le sujet.

Insecte ?

Il s’agit de la puce des neiges ou puce des névés ou puce des glaciers . Son nom est collembole nivicole. Bien qu’ils aient six pattes, les collemboles ne sont pas des insectes car, entre autres, leurs pièces buccales sont cachées dans leur tête. En comparaison, les pièces buccales des insectes sont projetées vers l’extérieur de la tête et facilement discernables. Ça joue subtil.

Arthropode

Les collemboles sont de très petits arthropodes dépourvus d’ailes dont la forme, la taille et la couleur varient beaucoup selon l’espèce. La plupart mesurent moins de 3 mm de long, mais certains peuvent atteindre 1 cm.

Habitat

Généralement, le collembole vit dans les sols forestiers et agricoles, les litières de feuilles, sous les mousses, les écorces ou les pierres. Son rôle écologique est très important, brassant la matière humique,véhiculant les spores de champignons, assurant l’équilibre microbien, etc.

Le Collembole nivicole est souvent trouvé en très grand nombre sur la neige, la plupart du temps à la fin de l’hiver.

Froid

L’adaptation aux températures froides fait partie de son évolution. Certains écrits révèlent que des espèces survivent à des températures extrêmes de – 60 °C.

Alimentation

Végétation en décomposition, champignons, algues microscopiques, bactéries, grains de pollen constituent son menu principal. Lors de sorties sur la neige, il retrouve sûrement un ou plusieurs de ces éléments nutritifs en assez grande
abondance pour subsister; en outre, il peut rester sans manger pendant de très longues périodes.

Reproduction

En plus de s’alimenter, la collombole doit également assurer sa descendance. C’est en effet durant leur période active que les adultes s’accouplent… à plusieurs reprises. À chaque mue, la femelle perd son tégument et sa spermathèque qui renferme le sperme emmagasiné lors d’un accouplement. Elle doit par conséquent s’accoupler de nouveau après chaque mue.

Saut

Les collemboles peuvent sauter à une hauteur atteignant de 50 à 100 fois la longueur de leur corps. Ils ont un appendice en forme de fourche sous l’abdomen, nommé furca, qui leur permet de sauter à des hauteurs, chez certaines espèces, les sauts frôlent un mètre de hauteur. Ils effectuent ces acrobaties aériennes grâce à un système qui se déclenche comme un ressort, d’où leur nom anglais de springtails. Le collembole saute pour fuir et échapper rapidement à ses ennemis. Il s’agit là d’une façon d’échapper à un prédateur, mais elle est loin d’être infaillible, car l’insecte n’a aucun contrôle sur sa direction, retombant parfois à l’endroit même qu’il tentait de fuir. Pour ses déplacements habituels, l’animal marche sur le bout des griffes situées à l’extrémité de ses pattes.

Prédateurs

Comme tous les êtres vivants (ou presque), ils ont leurs prédateurs : beaucoup d’espèces de fourmis en raffolent.

Antigel

Beaucoup d’insectes vivant sous nos latitudes sécrètent du glycérol et d’autres composés afin de passer l’hiver sans geler. Ils vont aussi se vider le plus possible de leur eau, car l’eau qui gèle peut faire éclater leurs cellules. Comme d’autres insectes, le collembole des neiges sécrète aussi une protéine antigel qui inhibe la formation de cristaux de glace jusqu’à – 6 °C.

Potentiel

Fait intéressant, des chercheurs de l’Université Queen’s, en Ontario, l’ont isolée pour la première fois en 2005 et lui ont trouvé un potentiel médical intéressant pour les transplantations d’organes. En effet, les organes donnés doivent être conservés à une température aussi basse que possible sans geler jusqu’à l’opération, ce qui rend les protéines antigel potentiellement très utiles. Mais le hic, c’est que le système immunitaire réagit fortement à la présence de protéines étrangères en produisant des anticorps, lesquels peuvent être nuisibles au transplant. Or, la protéine antigel des collemboles des neiges a la propriété de se dissoudre naturellement aussitôt que la température augmente, ce qui diminuerait les chances que des anticorps soient produits et que l’organe soit rejeté.

Sources : Jean-Raymond Bilodeau
espacepourlavie.ca
lapresse.ca